Dans le dernier article du blog de Web Omega, votre agence web à Nice, on a commencé à parler de la place de l’homme par rapport à un outil qu’il a créé : le web. Le problème étant qu’il n’est plus l’utilisateur de l’outil mais en est devenu l’esclave. En tant que créateurs de sites web sur mesure, tout cela nous interpelle.
Le piège du web a dix crocs
Tristan Harris résume ce piège, qui s’est déjà refermé sur la part de l’humanité ayant accès à des ordinateurs, des tablettes, des smartphones et/ou au web, en dix points :
- Tout le design sur les terminaux et a fortiori sur internet est fait de menus avec les choix que les concepteurs (entreprises, sites internet, marques, etc.) veulent bien nous donner, sans l’option « ce que l’utilisateur veut vraiment ». Joe Edelman appelle ça le pouvoir de Morpheus (dans Matrix) : il offre deux choix (pilule bleue : rester peinard, pilule rouge : en savoir plus sur la matrice) et on focalise là-dessus, sauf que Neo avait peut-être plutôt envie de croquer une biscotte à ce moment-là.
- Pour nous garder sur une page, on la transforme en machine à sous, dans le sens qu’on l’ouvre dans l’attente d’une récompense : on vérifie pour la énième fois de la journée son téléphone pour vérifier qu’on n’a rien de neuf, on actualise sa page mail dans l’espoir d’en recevoir un nouveau… Même le geste pour actualiser sur les smartphones et tablette ressemble à celui des bandits-manchots : on tire vers le bas et on attend le jackpot.
- On accentue la peur de rater quelque chose d’important. C’est devenu la peur de rater quelque chose tout court.
- On a besoin d’approbation sociale. Pour cela, quoi de mieux que de recevoir une notification d’un ami qui nous taggue sur une photo ou nous valide une compétence sur LinkedIn ?
- On s’attend à de la réciprocité (je te like, tu me likes).
- Tout est sans fin (flux infini, lecture suivante automatique).
- Les notifications sont intempestives, sans hiérarchie ni notion d’intérêt réel, elles interrompent l’activité en cours.
- On mélange les besoins de l’utilisateur avec ceux des firmes pour mieux les confondre. Dans un magasin cela se traduit par le fait que le lait (denrée la plus recherchée) se trouve au fond, obligeant le consommateur à passer devant tous les autres rayons et succomber à la tentation peut-être. Sur Facebook par exemple, pour atteindre la page d’un événement ou d’un ami, soit vous tapez l’url intégrale (à peu près autant d’internautes font ça que regarder la deuxième page de résultats Google), soit vous passez par le news feed (fil d’actualité) et succombez à la tentation peut-être.
- Les sites sont conçus pour que les choix faciles soient ceux que l’on veut nous voir faire. Quand il s’agit d’un choix que le site ne veut pas du tout qu’on fasse, parfois, l’information n’est pas du tout disponible. Par exemple, pour obtenir une adresse postale d’SFR, il faut renseigner plusieurs menus de choix (pas forcément les vôtres) pour finalement avoir un numéro (?)… Vous irez plus vite sur les forums. Il en est de même pour une adresse e-mail chez TripAdvisor et de nombreux autres cas.
- Par nature, les sites à engagement se gardent bien d’afficher clairement la perte de temps induite par un clic : on propose de noter un restaurant en cliquant sur les étoiles (potentiellement 2 secondes) mais ensuite ça se développe en 15 autres questions.
Les firmes et leurs défenseurs ont des injonctions faciles pour faire taire les mécontents. Ce sont les mêmes qu’on sert pour la télé : si t’es pas content, tu l’éteins, mais si tu l’éteins, tu vas rater quelque chose (n°3). Le problème avec cette façon de penser prônant soi-disant la liberté à tout prix, c’est que c’est dévié. Et nombre, si ce n’est tous, tombent dans le panneau. Les outils créés par l’homme sont censés lui faciliter la vie et l’art le distraire, pas le rendre esclave.
Nouvelles règles
Nos deux penseurs ont réfléchi à quelques solutions pour un design qui serve l’humain plutôt que les entreprises. Les écrans doivent faire de la place pour ce qui importe vraiment. Le nouveau web pourrait commencer par rendre faciles les choix qui nous importent (par exemple ça pourrait être d’autoriser – facilement – les notifications des personnes uniquement plutôt que celles automatiques des entreprises) ; simplifier les actions qui nous intéressent et compliquer les choix impertinents (tu veux aller sur Facebook alors que tu es en retard sur un projet ? Clique là, ça va te poser 15 questions pour que tu sois sûr de le vouloir).
De nombreuses autres pistes sont à l’étude, toute personne intéressée peut proposer ses compétences dans l’édification du nouveau web !
Sources https://medium.com/swlh/how-technology-hijacks-peoples-minds-from-a-magician-and-google-s-design-ethicist-56d62ef5edf3#.adyz2okj8 http://timewellspent.io/ http://rue89.nouvelobs.com/2016/06/04/tristan-harris-millions-dheures-sont-juste-volees-a-vie-gens-264251 http://www.tristanharris.com/2016/03/tech-companies-design-your-life-heres-why-you-should-care/
C’est ce qu’on appelle l’économie de l’attention, tout ça. Il y a des designers d’interface qui y travaillent jours et nuits chez Facebook, par exemple. L’objectif étant de surnager dans un océan d’infobésité. C’est la force et la faiblesse du web : tout le monde peut y être acteur, ce qui fait qu’il est difficile de sortir du lot !